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Jours de carnaval à Mindelo

Vivez le carnaval de Mindelo, une fête rassemblant les Capverdiens, découvrez leurs talents artistiques, vibrez avec eux au rythme de la samba et plongez au coeur de la culture locale.

Répétition du carnaval à Mindelo

Si d'autres îles du Cap-Vert célèbrent le carnaval, à São Vicente, et plus précisément à Mindelo, son berceau, il a une résonance particulière.

Il y est en effet grandiose, imposant pour une ville d'environ 70 000 habitants. Pour les Mindelenses, qui l'attendent chaque année avec impatience, c'est l'événement majeur.

Mais le carnaval de São Vicente attire aussi les habitants des autres îles, les Capverdiens de l'immense diaspora, ainsi que les voyageurs, qu'ils soient simplement de passage où venus spécialement au Cap-Vert pour assister à une fête haute en couleurs.

Vivez le carnaval à Mindelo!

Tout Mindelo prépare déjà la prochaine édition du carnaval... Vivez-en avec nous les moments forts, visitez ses coulisses et rencontrez ses acteurs. Voici quelques suggestions, personnalisables :

Les 3 jours de festivités peuvent s'insérer dans un séjour de découverte, randonnée et/ou repos à São Vicente et/ou Santo Antão, selon vos souhaits.

NB : le programme du carnaval fait l'objet d'une publication officielle, non disponible à ce jour.

Le carnaval de São Vicente : un brin brésilien et pourtant si capverdien...

Dans les années 1990, Cesaria Evora le révéle au monde entier [1] :

São Vicente est un petit Brésil, plein de joie et de couleurs.

Si Mindelo n'est pas Rio de Janeiro, son carnaval n'est pas sans évoquer celui du “grand frère” brésilien, avec lequel le Cap-Vert partage notamment le statut d'ancienne colonie portugaise, l'expérience subie de l'esclavage et le trait d'identité qui en découle : une société créole.

C'est dès les années 1920, en premier lieu par la musique et la danse, la samba, que le carnaval de São Vicente s'est teinté d'influences brésiliennes. Le défilé constitue un autre marqueur de cette inspiration, tout particulièrement au travers de l'organisation de la compétition, de la composition des groupes et de leurs costumes.

Les rythmes de la samba sont arrivés par la mer, véhiculés par les marins d'Outre-Atlantique qui aimaient faire escale à Mindelo. A une époque plus récente, les costumes sophistiqués se sont quant à eux plutôt téléportés au Cap-Vert, via la télévision, le cinéma et Internet.

Mais si les inimitables grandes plumes (entre autres) sont toujours importées du Brésil, à Mindelo, la samba n'a pas tardé à intégrer des accords, puis des paroles créoles tandis que des éléments de l'histoire et de la culture capverdiennes, tels que le rejet du colonialisme ou l'émigration, se sont introduits dans les thèmes choisis, notamment après l'indépendance.

Pour leurs thèmes comme pour leurs noms, les groupes ont en fait puisé l'inspiration tout azimuts : sur d'autres continents, en mer et même... dans l'espace ; dans le temps révolu des pharaons comme dans un futur imaginaire. Et au fil du temps, les festivités ont assimilé d'autres influences étrangères, notamment européennes et africaines.

 

En un mot, le carnaval de São Vicente s'est “caboverdianisé”.

“Aujourd'hui, c'est carnaval” : tout est permis!

Les Mindelenses, dont le goût de la fête et le sens artistique ne sont plus à démontrer, s'investissent corps et âme dans ce processus, prenant plaisir à laisser parler leur créativité. Pour l'amour du carnaval, on trouve toujours le temps, l'inspiration, la motivation, l'énergie, et même (parfois) de l'argent.

 

Chaque année, les habitants des différents quartiers prennent possession des espaces du centre-ville pour quelques jours de douce folie. Les Mindelenses, qui ont “le carnaval dans le sang”, comme ils aiment à le dire, n'ont aucune peine à créer une ambiance endiablée et torride dans laquelle s'exprime pleinement leur joie de vivre. Le temps y suspend sa course. La réalité s'estompe et les normes s'assouplissent, laissant place au lâcher-prise, à la spontanéité, à la fantaisie. Le divertissement peut même verser dans la parodie, la satire, la critique politique, voire la provocation.

Un carnaval, mille fêtes

Le carnaval de Mindelo est en fait une longue succession de fêtes, publiques et privées. Certaines, en amont du carnaval, organisées par les maltas de zonas (associations de quartier), permettent de lever des fonds. Mais on se réunit aussi pour célébrer à l'avance le carnaval entre amis, entre collègues, entre membres d'associations, entre voisins, etc.

 

Ces réjouissances prennent souvent le nom de bailes (bals). C'est d'ailleurs sous la forme de bals que le carnaval a fait ses débuts à Mindelo. A l'époque de l'exploitation britannique du port, se déroulant dans des espaces publics ou privés, ils étaient plutôt populaires ou au contraire (très) sélectifs. Mais l'assemblée était masquée, ce qui ouvrait le champ des possibles... sans toutefois prémunir des mauvaises surprises. Aujourd'hui démocratisés, ils restent néanmoins plus ou moins accessibles à tout un chacun. Ils sont en tout cas multiples, nombre d'entre eux se tenant le samedi précédant le mardi gras.

Entre la veille, jour du défilé des enfants, et le mercredi suivant, jour de la remise des prix aux groupes officiels, le carnaval bat son plein. Il n'est mis fin aux festivités que le dimanche d'après.

 

Lorsqu'apparaissent les premiers signaux annonciateurs de l'arrivée “imminente” du carnaval, il est déjà dans toutes les têtes depuis un moment.

 

Un an de préparation, une foultitude d'artistes et de petites-mains

Car le carnaval se prépare en fait toute l'année. Rien n'est laissé au hasard. Les artistes composent les chansons de chaque groupe à l'avance pour que le public se les approprie avant le jour J. Les percussionnistes s'entraînent dur des mois durant et sont parfaitement synchronisés. Les chorégraphies sont essayées, modifiées et réessayées. Jusqu'au dernier moment, on répète dans des espaces ouverts au public... dont il faut parfois contenir la foule.

Dans les semaines précédant l'apothéose des festivités, toute la ville est en ébullition.

Pendant au moins un mois, différents corps de métier et assistants venus donner “un coup de main”, passent de la construction de l'armature en féraille des chars à la peinture, via l'entoilement et le collage du papier mâché, se hasardant à l'occasion à employer des techniques ou matériaux nouveaux. Dans l'antre de leurs chantiers improvisés, généralement abrités des regards indiscrets par des palissades, ils donnent vie aux créatures imaginées par les artistes.

Parfois pluridisciplinaires, ceux-ci ont aussi dessiné les magnifiques costumes dont les couturières, novices ou expérimentées, permanentes ou occasionnelles, s'appliquent à parfaire les finitions, remisant parfois pour un certain temps le stock d'ourlets en souffrance.

Pour entraîner les engrenages de cette mécanique, il faut, en amont, faire la chasse aux espaces de travail, aux matériaux, aux remorques pour les chars, mais aussi aussi recruter le personnel nécessaire aux préparatifs. Et bien sûr, dénicher les sponsors...

 

Attribuant à chaque groupe un financement, la municipalité met la main à la poche, et les autorités la main à la pâte, puisqu'il faut assurer l'organisation des festivités, l'aménagement et la sécurisation de l'espace urbain.

Cinq groupes en compétition le mardi

Le mardi gras, on se presse longtemps à l'avance rue de Lisbonne et dans les alentours, prenant d'assaut le moindre emplacement, de préférence à la vue dégagée et à l'ombre, pour admirer les “têtes d'affiches”. Ils se sont succédés au fil du temps depuis les années 1930 et répondent aujourd'hui aux doux noms de Cruzeiros de Norte (Croisières du Nord), Estrela do mar (Etoile de mer), Flores de Mindelo (Fleurs de Mindelo), Monte Sossego (Mont Sossego), Vindos do Oriente (Venus de l'Orient). Ce sont les blocos, les groupes de carnaval en compétition.

Chaque groupe arrive de sa “base” pour un parcours en centre-ville, accompagné de ses chars allégoriques, dansant la samba au son des percussions et entonnant avec le public les chansons écrites pour lui sur le thème de son choix. L'ensemble, très organisé, est constitué d'un porte-drapeau, d'un maître de cérémonie, d'un roi et d'une reine, d'une reine de bateria, d'une batucada (ensemble de percussionnistes – équivalent de la bateria brésilienne), et d'alas (ailes ou groupes).

La petite armada compte plusieurs centaines de personnes. Disons, pour simplifier une réalité plus complexe, qu'un groupe peut rassembler de nombreux habitants d'un quartier, éventuellement éponyme (Monte Sossego, par exemple, est un quartier de Mindelo) auxquels se joignent des membres venus d'ailleurs, s'associant au groupe en raison de liens familiaux, amicaux, professionnels, ou tout simplement d'affinités. Leur but commun : gagner!

Un seul vainqueur le mercredi

De nombreux prix prestigieux sont en effet en jeu. Aussi la pression est-elle palpable dans les cortèges et le suspens à son comble jusqu'au lendemain, mercredi, jour de l'annonce du verdict du jury. Le carnaval étant une affaire sérieuse à Mindelo, la cérémonie de remise des prix, qui se déroule également rue de Lisbonne, est retransmise à la radio.

 

Tous briguent évidemment le titre très convoitié de meilleur groupe de carnaval, les trois premiers étant primés. Mais tout étant passé au crible par le jury, la meilleure musique, les meilleurs roi et reine, le meilleur char allégorique, bref, tout ce qu'il y a de mieux est aussi récompensé.

Samba tropical : la fine fleur des groupes de carnaval capverdiens

Samba tropical occupe une place à part dans l'ensemble des groupes de carnaval : bien qu'étant le plus important, il défile avec un seul grand char ou plusieurs petits et investit les rues de Mindelo la veille du défilé, de nuit, ce qui confère à sa prestation un panache particulier...

Samba Tropical n'est pas le champion du carnaval : il est hors compétition. Il n'est pas plus la “crème” du carnaval : il rejette le qualificatif d'élite, mettant plutôt en avant la beauté, l'organisation et la transparence. Le faste de ses costumes et la perfection de sa coordination fascinent, épatent et ravissent le public qui ne s'y trompe pas : ses membres sont à tout le moins des “pros” du carnaval!

A chacun son carnaval

Dans la catégorie “amateurs”, il y a du monde aussi, et du beau! Dès le vendredi précédant le mardi gras, défilent dans les rues de Mindelo des groupes d'enfants ou de jeunes, quittant un moment le jardin d'enfants ou l'école pour apporter leur pierre à l'édifice tout en profitant d'une récréation exceptionnelle et singulière.

Plusieurs dizaines de groupes associatifs, de loisirs, de réflexion, voire religieux sont aussi de sortie, conquérant le centre-ville ou diffusant l'ambiance carnavalesque dans les quartiers périphériques.

Divertir : un rôle majeur

Ils apparaissent également en marge de la compétition, dans les interstices des cortèges des groupes officiels, et “défilent” à leur manière, en ordre nettement plus dispersé : les assaltos, “groupes” d'animation, pouvant être des singletons, ont un tout autre objectif que d'éblouir l'assemblée.

S'ils n'en captent pas moins toute son attention, c'est qu'ils la font rire! L'humour et le sens de la dérision ne leur font pas défaut, loin d'en faut. Leurs performances théâtrales sont pures facéties et amusent donc, beaucoup. Mais, ayant plus d'un tour dans leur sac, ils titillent aussi le public, mettant parfois sur le tapis du carnaval des sujets de réflexion, liés à l'actualité parfois brûlante ou à des questions sociales. Esprits libres ne craignant pas la désapprobation, ils séduisent par leur spontanéité, leur créativité et leur originalité.

Introduire et conclure le carnaval : la lourde tâche Mandingas

Tout aussi originaux, les Mandingas, groupes d'animation particuliers issus de plusieurs quartiers périphériques de Mindelo, dont celui de Ribeira Bote, se sont au fil du temps créé un rôle de premier plan dans le film fleuve du carnaval.

S'annonçant au cri de “Ariá!”, ils rappellent aux distraits, chaque dimanche, pendant un mois, que le carnaval approche. Leurs sorties en centre-ville sont aujourd'hui l'une des principales attractions : les Mandingas rassemblent derrière eux des aficionados toujours plus nombreux, constituant au fil de l'itinéraire des cortèges de plusieurs milliers de personnes.

Pour leurs costumes, les Mandingas puisent l'inspiration loin du Brésil : ils lustrent et teintent leur peau d'un noir ébène à l'aide d'un mélange d'huile et de produit maquillant (de poudre de pile, de charbon ou de suie dans le passé), revêtent des jupes de sisal, se parent de bijoux et accessoires divers (colliers de corne, coquillages, etc.), “s'arment” de lances et, énergiques et hardis, partent “à l'assaut” du centre-ville. Qui s'y colle... gagne quelques tâches récalcitrantes! S'ils attirent comme des aimants, ils suscitent donc aussi une certaine méfiance...

L'origine des Mandingas, discutée, se trouverait dans le passage au Cap-Vert, à l'époque coloniale, d'un groupe de Guinéens en route pour une exposition du monde portugais, ayant marqué les esprits par sa différence avec le peuple capverdien. Les fantasques Mandingas font ainsi leur entrée dans le carnaval de São Vicente dès les années 1940.

Représentation d'un groupe de Mandingas pendant le carnaval au musée de Mindelo.

On peut voir dans leurs démonstrations le rappel de l'origine africaine du peuple capverdien ou, plus précisément, des esclaves arrachés à leur terre. La similitude avec les Nèg gwo siwo du carnaval antillais, enduits de sirop de canne et de charbon, symbolisant l'esclavage, est d'ailleurs troublante. Mais peut-être faut-il se fier aux motivations exprimées par certains membres des groupes et y avoir avant tout un divertissement.

Représentation d'un groupe de Mandingas au Centro de Arte, Artesanato et design de Mindelo

Toutes les bonnes choses ayant une fin, il faut bien se résigner, un jour, à mettre fin à la liesse générale. Comme ils l'ont ouverte un mois plus tôt, les Mandingas se chargent de fermer la parenthèse enchantée du carnaval : le dimanche suivant le mardi gras, ils prennent soudain leur air le plus grave, endossent un costume de ville (un vrai) et rassemblent autour d'eux d'autres groupes (il faut se soutenir dans la peine, surtout si elle est feinte). Car il s'agit d'enterrer solennellement, en bord de mer, Momo, le roi du carnaval. En tant qu'adeptes des costumes sombres, les Mandingas étaient tout désignés pour le rôle, qu'ils tiennent avec brio.

Le carnaval de São Vicente : un creuset, un tremplin, une vitrine?

Le contraste entre le noir des Mandingas et les multiples couleurs éclatantes des groupes officiels est trompeur. Les clivages apparents cachent la mixité sociale liée au carnaval. Les habitants des quartiers périphériques (fralda), dont font partie les Mandingas comme de nombreux éléments des groupes officiels, se déplacent en centre-ville (morada) [2]. C'est la partie immergée de l'iceberg. Bien que moins visibles, l'adhésion de personnes des classes sociales aisées aux manifestations des Mandingas, comme le mélange des origines géographiques et sociales au sein d'un groupe de carnaval, contribuent aussi l'intégration sociale [3]. Le carnaval est donc bien un creuset dans lequel les composantes de la société mindelense se mélangent.

 

Au niveau individuel, le carnaval peut apporter une certaine reconnaissance sociale, parfois recherchée : défiler avec un groupe peut être un vecteur de promotion sociale. Une reine de bateria peut devenir en quelques jours, une “vedette” locale. Les artistes, soudain propulsés sur le devant de la scène, peuvent aussi y gagner en notorité. Le carnaval joue là un rôle de tremplin.

 

Il modifie également les représentations à un niveau collectif. Ainsi, le succès de certains groupes de carnaval, comme celui des Mandingas qui, partis de rien, ont réalisé une prouesse, ou du groupe Monte Sossego, rassemblant plus d'un millier de personnes, plusieurs fois vainqueur, redore l'image de quartiers parfois stigmatisés, où certains hésitent (ou hésitaient) à pénétrer : les T-shirts à l'effigie des Mandingas s'arrachent...

 

Plus que cela en fait : ce succès contribue à la promotion du carnaval, de Mindelo et de São Vicente et, à travers elle, à l'affirmation de l'identité locale et nationale. Le carnaval n'est pas seulement un “objet artistique” (c'est une oeuvre, collective!), preuve tangible du potentiel de Mindelo en la matière. Il donne aussi à voir des traits de la culture capverdienne. Ainsi, la passion des Capverdiens pour la musique et la danse ne saurait échapper au moins attentif des observateurs. Le carnaval serait donc une vitrine.

 

Mais alors une vitrine animée! Car comme la fête elle même, toujours en évolution, la culture, la société et l'identité capverdiennes ne restent pas figées pendant cette période, bien au contraire : l'événement est un moment de leur perpétuelle construction.

Finalement, le carnaval est un spectacle vivant à plus d'un titre. Y assister ou y participer, c'est donc approcher très concrètement la vie locale, et en premier lieu, puisque le carnaval est avant tout cela : partager avec la population un moment de sabura (délice, plaisir, contentement...), une notion toute capverdienne. Venez voir, vous comprendrez...

1 "Carnaval de São Vicente", paroles de Pedro Rodrigues

2 "O carnaval do Mindelo Cabo Verde : reflexões sobre a festa e a cidade", Juliana Braz Dias

3 "Classe, memória e identidade em Cabo Verde : uma etnografia do carnaval de São Vicente", Maria do Carmo Farias Daun e Lorena Santos

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